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Une histoire (sur)naturelle...

Tirée du livre à paraître en février 2021, "12 histoires (sur)naturelles" de Lucien Tigiffon



Ton nom et ses implications

Ton nom

Nous sommes lundi, il est environ 18h. Frédéric vient de m’appeler pour m’indiquer qu’il est arrivé.

Comme chaque semaine, il vient me chercher en bas de l’immeuble où je travaille pour qu’on aille ensemble à son studio musical de Suresnes. On en aura pour 10 minutes de trajet maximum aujourd’hui. En effet, en ce moment, je travaille chez un client à Puteaux; une ville voisine.


À peine sorti de l’ascenseur, je repère le véhicule de Frédéric à travers le vitrage du rez-de-chaussée. En avançant, je constate qu’il n’est pas seul.

Une femme brune l’accompagne. Arrivé à hauteur, j’ouvre la portière arrière gauche et m’engouffre dans l’Audi de luxe en lançant un « salut! » généralisé.

Frédéric me tend la main entre les deux appuis têtes des sièges pendant qu’il me présente mademoiselle N. qui avait déjà tourné la tête en ma direction depuis quelques secondes.

« Bonjour » me dit-elle tout en enchaînant « Comment tu t’appelles? ». Inhabituellement, j’attends une ou deux secondes avant de répondre originalement : « Porteur de lumière ».


Un silence profond s’installe dans la voiture.


Mademoiselle N., muette, me fixe avec un étrange froncement de sourcil. Frédéric lui, ne comprend pas. Il observe de son côté la femme qui, de toute évidence, avait quelque chose à dire.

La femme prend alors son sac qu’elle avait à ses pieds et en tire un cahier grand format. Elle ouvre le cahier pour y récupérer une feuille blanche. Elle me la tend en me disant : « Voilà le texte pour lequel je souhaiterais que tu arranges une musique ! ».

Je saisis la feuille de la main gauche, y jette un œil et comprends alors l’étrange sensation qu’avais pu ressentir mademoiselle N.

Le titre du texte : « Porteur de lumière ».

…et ses implications

Pourquoi m’étais-je présenté ainsi ? À ce moment? Exactement à cette femme ? Même étant bien conscient de la signification de mon prénom, il ne m’était jamais arrivé auparavant de me présenter de la sorte. Pourtant, pour être honnête, je l’avais vu venir. Ce n’était pas la première fois que je me sentais poussé dans une direction. Poussé à comprendre, faire ou dire quelque chose. Enfin, était-ce si important ? N’était-ce pas simplement une subtile coïncidence ? Non.


On est dimanche. Frédéric m’appelle sur mon téléphone mobile. C’est sûrement pour fixer le rendez-vous de demain. Je décroche en ouvrant mon agenda de la semaine. Après quelques formules de politesses, Frédéric en vient au fait : « Madame N. s’est donné la mort la veille. »

La séquence de la semaine dernière me revient en tête. Les regards, les mots, les sujets de conversations. Je revois toutes les fois où je ressentais le besoin de parler à cette femme de celui que j’appelais ma Lumière, ma Vie.


Je redéfilais devant mes yeux toute la session de travail de lundi dernier. Surtout, je repassais en boucle ma présentation : « Porteur de lumière ».

Qui es-tu Lucien ? Quel est ton nom ? Sais-tu ce qu’il signifie ? Es-tu prêt à répondre ? D’où viens-tu ? Quelle est ta mission ? Toutes ces questions accompagnent la première.

Suis-je responsable ? Suis-je coupable ? Il m’était plus qu’évident que j’avais eu un rôle à jouer dans la vie de mademoiselle N. L’avais-je joué? Avais-je répondu à l’appel ?

Je n’oublie pas cette leçon. Elle résonne encore au plus profond de moi. Je me la rappelle régulièrement afin d’anticiper les occasions d’obéir.

« Lucien, tu n’es pas coupable. Tu es cependant responsable. Ton nom a un sens et des implications qui te dépassent. Tu as le pouvoir de laisser passer des ondes qui donnent la vie ou bien de fermer la porte et de laisser se propager la mort. »


Tirée du livre à paraître en février 2021, "12 histoires (sur)naturelles" de Lucien Tigiffon

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